jeudi 26 mars 2009

1975: "Bons baisers de Hong kong"!

Les Charlots à Hong Kong ! Aussi incongru que cela puisse paraître, les quatre humoristes français, véritables stars dans l’hexagone des années 1970, ont tourné un film dans la colonie britannique. Nanar ou navet selon les goûts, le résultat est un ovni cinématographique où Hong Kong est à la fête !
La reine d’Angleterre est enlevée. Emoi dans les plus hautes sphères du pouvoir britannique; il faut la retrouver avant que l’affaire ne s’ébruite! Le chef des services secrets de Sa Majesté ne peut plus compter sur personne depuis la mort de son meilleur agent; il appelle donc son homologue français. Celui-ci, vexé de devoir aider la perfide Albion met les Charlots sur l’affaire. C’est le début d’une rocambolesque et lourdingue parodie de James bond, avec notamment un générique dans le plus pur style années 70. Les retournements de situations absurdes s’éloignent ensuite de l’intention de départ pour laisser le champ libre aux pitreries des Charlots.
Le film est produit par Christian Fechner, un habitué des collaborations avec les Charlots et des comédies franchouillardes. On lui doit notamment, pour ce qui est de ses productions humoristiques, «La soupe aux choux» et «les Bidasses s’en vont en guerre», «La course à l’échalote» et «Marche à l’ombre», mais aussi «L’aile ou la cuisse» ou «Papy fait de la résistance» : autant dire des monuments cinématographiques de la culture populaire française des années 70-80! Il signe le scénario avec Yvan Chiffre, jusqu’alors acteur de second rôle et cascadeur, qui se voit également confié sa première réalisation. Le metteur en scène et le producteur ne lésinent pas sur les moyens : carambolages de voitures (avec les cascades de l’incontournable Rémy Julienne), explosions, effondrement de maison, prise de vue à Londres, Paris, Madrid et Hong Kong, tout y passe pour donner de l’envergure à ce pastiche.
«Bon baisers de Hong Kong» s’offre même Mickey Rooney, véritable star de l’humour potache outre-atlantique (et aujourd’hui l’un des rares survivants du cinéma muet, fort de ses 322 films…). L’acteur y joue le rôle du forcené amoureux qui enlève la reine. Le reste de la distribution comporte également quelques surprises : Léon Zitrone en agent pas très secret, André Pousse, Jacques Marin, Philippe Castelli côté français. Jeanne Manson ou encore le très «british» David Tomlinson («Mary Poppins», «The fiendish plot of Dr Fu Manchu»…) sont également de la partie, sans oublier l’incroyable Victor Israel. Enfin, Bernard Lee et Lois Maxwell reprennent leurs rôles de M (le patron de James Bond) et de Miss Monneypenny, le temps de s’en moquer…
Paul Clerc-Renaud, installé depuis longtemps à Hong Kong et aujourd’hui directeur du groupe Fargo, était de passage dans la colonie britannique pendant le tournage du film, en 1975. «A cette époque, je ne travaillais pas encore en lien avec Pathé-Overseas et Georges Le Bigot, se souvient l’homme d’affaire, mais je venais à Hong Kong pour ma société». Le tournage sur place n’a pas été de tout repos et, «il y a eu quelques coups de théâtre dont je n’ai jamais eu le fin mot». D’autres sources racontent que l’un des associés chinois aurait été poignardé dans le hall du Hilton ou encore que la jeune actrice chinoise aurait été enlevée pendant un temps par la mafia… De sombres histoires où plane l’ombre de Triades, mais l’équipe française a toujours été scrupuleusement tenue à l’écart.
Le tournage se poursuit tant bien que mal à Hong Kong, et la délirante histoire continue. Les Charlots trouvent en une femme de ménage française, un sosie de la reine idéal pour la remplacer lors de sa visite officielle à Hong Kong. Ils l’accompagnent et c’est l’occasion de balader la caméra dans les rues de Kowloon ou encore vers Aberdeen, à une époque où il n’a pas un seul immeuble moderne et où les sampans règnent encore en maître. «Pour les images de la visite officielle, il y a une anecdote savoureuse!, se réjouit encore Paul Clerc-Renaud. La société Pathé-Overseas s’était faite passer pour la société Pathé-News et avait filmé la véritable visite de la vraie reine, très peu de temps auparavant… Ils ont réutilisé les images pour les intégrer au film!». Huguette Funfrock, le sosie lyonnais de la reine, s’occupe du reste…
Pour les scènes à Hong Kong, la société Salon Film officiait comme équipementier, sous le patronage du francophile Charles Wang. Son frère, Fred, ajoute: «la rumeur veut que le film aurait été montré à la reine Elizabeth. En tout cas, l’administration de Buckingham avait demandé à en avoir une copie, mais il n’y a jamais eu de retour!» Un film de toutes les surprises, jusqu’à la fin… la toute fin même, lorsqu’on apprend dans le générique que Bézu (celui de «la queue leu leu»…) était l’attaché de presse!
Rinaldi, Fechner (le frère du producteur), Filipelli et Sarrus semblent avoir pris du bon temps sur place: «Ils étaient à l’hôtel Mandarin…, reprend Paul Clerc-Renaud. Avec les ennuis sur le tournage, il y a eu une période de relâchement. Ils faisaient la fête le soir, et il était difficile de les lever le matin!». Jean Sarrus, dans ses mémoires, révèle que le voyage a surtout été l’occasion d’expérimenter les mythiques fumeries d’opium… Fred Wang se souvient: «Le film n’a pas été un gros succès à Hong Kong, mais il a été bien reçu». C’est aujourd’hui un incontournable nanar du cinéma français des années 70, et l’un des rares, peut-être le seul, à avoir été tourné loin hors de France. Et pour les amoureux de Hong Kong, c’est une visite inattendue par de drôles de guides.

FD.

Sources : www.imdb.com; http://www.nanarland.com; www.lescharlots.com; remerciements à M. Paul Clerc-Renaud et M. Fred Wang, pour le temps qu’ils nous ont consacré et leurs précieux renseignements.

Crédits photographiques: www.nanarland.com (affiches française et allemande du film); collection particulière (l'avion miniature qui sert lors de la scène finale du film est toujours en bonne place dans les bureaux de la société hongkongaise Salon Film).

jeudi 19 mars 2009

Léon Rousset, témoin du typhon de 1874

De passage à Hong Kong après six années en poste à Fou-Tchéou, en Chine, le professeur Léon Rousset est témoin d’un terrible typhon dans la colonie britannique. Il raconte l’épouvantable nuit du 22 au 23 septembre 1874.
Léon Rousset est professeur de sciences. En 1868, il est nommé à l’arsenal de Fou-Tchéou, nouvellement créé par les Français à la demande du gouvernement chinois. Il reste six ans en poste, mais voyage peu alentour. Sa mission terminée, décoré du titre de «mandarin de 4e rang au bouton bleu», il décide d’arpenter plus attentivement ce pays qui le passionne. Il consacre l’année 1874 à ce périple, rapportant de précieuses chroniques, des récits détaillés… et une admiration sincère pour la civilisation chinoise. En septembre 1874, il arrive à Hong Kong, dernière étape avant de repartir en Europe.
Le 26 septembre, il écrit à son père: «A l’heure où je vous écris, Hong Kong tout entier est dans la désolation. Un typhon épouvantable, tel qu’aucun des plus vieux habitants de la colonie de se rappelle en avoir jamais vu s’est abattu sur elle dans la nuit du 22 au 23.» Léon Rousset entame alors le récit du drame. Le voyageur rapporte que dans la matinée du 22, le paquebot des Messageries Maritimes «Ava» est arrivé dans le port de Hong Kong avec un temps magnifique. Son équipage dit avoir essuyé une terrible tempête après Saigon, mais le dépouillement de la malle offre assez de distraction pour qu’on ne s’en préoccupe plus. L’enseignant passe sa journée à la bibliothèque et, en sortant, rencontre «un vent un peu frais, mais rien [d’]alarmant».
Quelques marins expérimentés conseillent de chercher des mouillages plus sûrs et vers 18h, le ciel se couvre de nuages noirs. Le vent souffle, mais là encore, rien d’anormal pour la saison. On s’attend tout au plus à une bonne tempête et la vie suit son cours. «Mais à minuit, je fus réveillé brusquement par une sensation extraordinaire : il m’avait semblé remuer comme sur un bateau.»
«A peine ai-je ouvert les yeux que le bruit des rafales qui soufflent au dehors me donnent rapidement la clef du phénomène. Le vent était tellement fort qu’il faisait osciller la maison sur sa base en lui donnant une sorte de mouvement de roulis». Léon Rousset décrit la tourmente sinistre des bruits autour de lui, la rage incroyable des violentes rafales. «A chacun de ses assauts, on entendait le craquement des arbres qui se brisaient ; des débris de tuiles ou de platras arrachés par le vent roulaient sur le toit et allaient se briser dans la rue avec un bruit strident. La maison, remuée jusque dans ses fondations, semblait, soulevée par la tempête, vouloir prendre son essor […]. Enfin, du lointain arrivait un bruit sourd et continu : c’était le mugissement de la mer.»
Léon Rousser s’habille et se tient prêt à évacuer la maison au moindre signe d’effondrement. Les heures sont longues. «Je n’oubliais mes propres inquiétudes que pour songer avec angoisses aux souffrances des malheureux qui se trouvaient en ce moment sur mer ou en rade.» Il se lance dans la description précise du naufrage qu’il imagine. A 2h30, ont lieu les rafales les plus violentes, qui brisent deux des cadrans de l’horloge publique et en arrêtent le mouvement. Vaincu par la fatigue, le voyageur sombre vers 4h du matin, pour émerger vers 7h dans un spectacle de désolation. «Je ne pourrai plus entendre mugir le vent sans me rappeler cette nuit terrible».
Les chemins sont à peine praticables à pied, jonchés de débris en tout genre. Et à mesure que Léon Rousset s’approche de la mer, la scène empire. Des épaves de navires ont été apportées par la mer déchaînée plus de cinquante mètres à l’intérieur des rues. «Tout le rivage était auparavant bordé d’un mur de quai construit de gros blocs de granit liés ensemble par des agrafes de fer et reposant sur un lit de béton de plus d’un mètre d’épaisseur. Derrière ce mur, il y avait un quai large de sept à huit mètres, élevé d’environ un mètre à un mètre cinquante au-dessus du niveau de la haute mer ; c’était ce qu’on appelait la Praya. Elle était bordée de l’autre côté par des maisons au rez-de-chaussée desquelles se trouvaient des arcades supportées par des piliers en maçonnerie comme celles de la rue de Rivoli […]. Eh bien! Après le typhon, à la place de la Praya, on ne voyait plus qu’un qu’une plage inclinée, encombrée par des blocs de pierre immenses, transportés jusqu’au pied des maisons ; ce sont les restes du mur de quai actuellement disparu. Les flots eux-mêmes sont venus battre les maisons jusqu’à une hauteur de quatre pieds». Ici et là, les mâts des navires coulés sortent encore de l’eau, des centaines de jonques éventrées laissent échapper leurs chargements et de rares bateaux, plus résistants, restent à flot, mais dans un état pitoyable. «De l’autre côté de la Praya, plusieurs maisons se sont entièrement écroulées, ensevelissant leurs habitants sous les décombres».
«C’est une ruine pour la colonie,» et quelques jours après la catastrophe, «le spectacle de la Praya était [encore] effrayant : on n’y pouvait faire deux pas sans rencontrer des cadavres que la mer venait d’y déposer.» Les habitants sont immédiatement à pied d’œuvre pour panser les plaies de la ville. Le Français décrit une population morne, travaillant «silencieusement à réparer le mal». Le séjour de l’enseignant se termine sur cet épisode tragique.
Léon Rousset devient membre de la Société de géographie de Paris à son retour. Il multiplie les conférences et les interventions sur la Chine, assurant même un cours sur le sujet à l’Ecole libre des sciences politiques. Fort de son expérience et de sa passion, il prône un rapprochement franco-chinois pour contrecarrer l’influence anglaise ou russe. En 1878, paraît son ouvrage «A travers la Chine», sorte de résumé de ses pérégrinations. L’influence de l’auteur sur ses contemporains est grande, et sa vision de la Chine marque durablement les esprits curieux de France ; particulièrement un certain Jules Verne, qui s’inspire de ses descriptions et le cite dans « Les tribulations d’une Chinois en Chine » (1879).

FD.

Sources et crédits photographiques : Léon ROUSSET, A travers la Chine, Hachette, 1878 ; Numa BROC, Dictionnaire illustré des explorateurs français du XIXe siècle, 1992.

Remerciements à M. Yves Azémar et son inépuisable librairie d'ouvrages anciens sur l'Asie, 89 Hollywood road - Hong Kong.

lundi 9 mars 2009

Le Père Vircondelet, 50 ans d’apostolat à Hong Kong

De 1920 à 1970, le Père Vircondelet des Missions Etrangères de Paris (MEP) a vu Hong Kong évoluer et connaître des fortunes diverses au gré d’une Histoire mouvementée. Sa vie au service des Missions est aussi une vie hong kongaise où le sacerdoce se confond avec une passion sans faille pour la colonie britannique.
Léon Vircondelet est né en 1890 à Vesoul. A 18 ans, il entre au séminaire des Missions Etrangères, mais la Grande Guerre retarde son ordination. Il est mobilisé et reçoit la gestion d’un hôpital dans les Vosges. En 1919, c’est comme lieutenant qu’il reprend sa place au séminaire. Il est alors ordonné prêtre et immédiatement envoyé à Canton. L’aventure asiatique commence : un long parcours oriental de cinquante ans, avec Hong Kong comme point d’attache.
Rapidement repéré pour ses nombreuses qualités de gestionnaire, le missionnaire est nommé dans la colonie britannique en 1921 en tant qu’assistant procureur. C’est un discret mais efficace administrateur. Il entreprend notamment, à cette époque, de faire bâtir une école chinoise et un hôpital (Sainte-Thérèse) à l’emplacement d’une vaste filature de coton rachetée par le Père Robert.
En 1934, il assure l’intérim lors d’une vacances à la procure de Saigon. Il montre ainsi l’étendue de ses capacités et, l’année suivante, il est désigné procureur général en Extrême-Orient. Léon Vircondelet est à la fois le dernier procureur général des MEP de Hong Kong, à partir de 1935, et le premier économe général, à partir de 1950, les Missions Etrangères se réorganisant après la guerre autour de nouvelles fonctions.
Formé par le Père Robert (l’excellent financier qui a tant fait fructifier les biens des MEP à Hong Kong), le Père Vircondelet gère avec adresse toutes les affaires d’argent jusqu’en 1960. Non sans mal, car la période est autrement plus difficile. Occupation japonaise, montée du communisme, contexte d’insécurité et d’instabilité… c’est lui qui organise donc la vente de beaucoup de propriétés au gouvernement de Hong Kong, en particulier la Procure en 1953 (maintenant la cour d’appel final) et Nazareth en 1954. Des choix certainement critiquables aujourd’hui, mais que le contexte de l’époque explique.
C’est particulièrement pendant la Seconde guerre mondiale et la période de l’Occupation japonaise, que le Père Vircondelet s’illustre. Toujours réactif, l’homme s’engage dès le début en faveur de la France Libre, sans pour autant prendre les armes. Les échanges entre l’Ambassade de France à Pékin et le gouvernement général d’Indochine sont clairs à ce sujet, et montrent que les Japonais se plaignent de «la compromission active de plusieurs Français notables dans la direction de la propagande anglo-gaulliste à Hong Kong». Le Père Vircondelet est en tête de liste.
Le missionnaire parvient à sauvegarder les intérêts des religieux, évite les pillages (notamment de l’imprimerie de Nazareth) et vient en aide à de nombreux Français. Il semble que ce soit lui qui récupère certains biens ou archives de particuliers et de sociétés (c’est attesté pour la Société des Charbonnages du Tonkin et le Consulat de France). Il entretient des liens amicaux étroits avec Louis Reynaud, le consul général. A la mort du diplomate, en 1943, le Père Vircondelet s’installe même dans les locaux consulaires de manière à les protéger du pillage et à faire perdurer une présence symbolique.
Beaucoup de bâtiments du centre-ville gérés par les Missions sont détruits ou endommagés pendant les hostilités. Le prêtre entreprend dès 1945 de les faire rénover et moderniser. Il organise ensuite des festivités remarquées pour le centenaire de la présence des sœurs de Saint-Paul, en 1948. La même année, il est décoré de la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur, pour l’ensemble de son action pendant la guerre.
Fatigué, il démissionne en 1960. Le Supérieur général Maurice Quéguiner lui exprime alors : «au nom de toute la Société et en mon nom personnel, la profonde et affectueuse gratitude de tous, pour tous les services rendus durant toute une vie de missionnaire et singulièrement comme économe général pendant vingt-cinq ans, avec un dévouement et une générosité jamais démentie».
C’est encore et toujours à Hong Kong que le Père Vircondelet choisit de passer une retraite active. Il y reste encore dix ans. Le prêtre quitte la colonie britannique en 1970, après cinquante ans de présence. Il se retire au sanatorium de Montbeton en France, où il s’éteint en novembre 1973.

FD.

Sources : Archives des Missions Etrangères de Paris ; Archives du ministère des Affaires Etrangères de Nantes. Crédit photographique : Archives des Missions Etrangères de Paris.

jeudi 5 mars 2009

La contrefaçon, déjà un problème en 1876 !

La copie frauduleuse de produits de luxe n’est pas une nouveauté ! D’une actualité criante aujourd’hui, la contrefaçon est déjà au centre des préoccupations commerciales il y a plus de 130 ans. Et Hong Kong, une plaque tournante du trafic en Asie.
«Monsieur, vous n’ignorez pas que la contrefaçon des produits français à l’étranger a pris, depuis quelques années, un développement considérable». C’est en ces termes que le ministre des Affaires Etrangères Louis Decazes s’adresse à tous les postes diplomatiques, le 23 mars 1876. «Cet état de choses, si préjudiciable à notre industrie nationale, a, en partie, pour cause l’ignorance où se trouve l’acheteur, de la véritable marque adoptée par le fabricant pour permettre de constater l’authenticité de son produit.»
La Direction des Consulats et des Affaires commerciales espère trouver une parade avec le concours «de diverses chambres de commerce et l’approbation de M. le Ministre de l’Agriculture et du Commerce». L’idée est de «réunir dans un recueil spécial destiné à la plus grande publicité, les marques de fabriques françaises». Cet ouvrage est envoyé à toutes les ambassades et consulats pour être mis à disposition du public. Tous «les signes distinctifs et authentiques des produits nationaux» sont répertoriés et le guide est appelé à être enrichi et réédité tous les ans.
«En fournissant aux consommateurs les moyens de reconnaître la sincérité des produits qui leur sont livrés, il pourra contribuer à protéger notre industrie contre les contrefaçons dont elle est trop souvent victime à l’étranger». Il semble toutefois que ce recueil ne soit pas la solution miracle au problème.
En octobre 1887, de nouveaux courriers sont échangés à ce propos ; cette fois, la colonie britannique de Hong Kong est tout particulièrement visée. Selon les autorités françaises, c’est un grand centre de transit, voire de fabrication, de contrefaçons en Asie. Le sujet revient de manière récurrente dans les préoccupations consulaires, tout le long de l’histoire du poste, et la croissance du phénomène est toujours soulignée…
FD.

Sources : Archives du ministère des Affaires Etrangères, Nantes.

lundi 2 mars 2009

La vie ordinaire d’un petit Français de Hong Kong

Faire l’histoire de la communauté française à Hong Kong depuis 160 ans… c’est aussi s’intéresser à ceux qui s’y trouvent ballottés au gré des pérégrinations parentales. Les enfants ne laissent pas d’archives et les institutions s’intéressent peu à eux. Un témoignage, à la fois anodin et révélateur d’une époque, permet de mettre en lumière le quotidien d’une tête blonde catapultée en Extrême-Orient.
Suite à la publication de notre article sur l’histoire de l’école française à Hong Kong, un courriel est arrivé disant en substance, «le petit garçon au premier plan sur la photo… c’est moi!». Mathieu Bringer a passé quatre ans à Hong Kong, de 1980 à 1984. «Mon père travaillait pour une entreprise hollandaise de textile, se souvient-il. Il dirigeait des centrales d’achat et nous voyagions beaucoup, d’Afrique du Sud aux USA, etc.» Ainsi habitués à l’expatriation, Mathieu, ses deux frères, sa sœur et leurs parents, débarquent dans la colonie britannique en 1980. Le jeune garçon a 7 ans ; il est inscrit à l’école française, alors située dans l’ancien hôpital militaire de Borrett road. Commence alors une nouvelle vie trépidante.
La famille s’installe à Chung Hom Kok, non loin de Repulse bay. «J’y suis revenu il y a cinq ans, c’est fous comme tout à changé… Ce n’est pourtant pas si loin!». Et de raconter l’interminable trajet en bus pour aller à l’école, les terrains vagues aujourd’hui devenus grandes propriétés. «Je garde des impressions plus que des souvenirs précis. Par exemple, je jouais tous les samedis matin au foot sur le Peak… et j’ai l’image de nos parties qui se déroulaient dans la brume plus de la moitié de l’année!» Mathieu évoque encore les typhons et les toutes les fenêtres scotchées de sa maison, ou les discussions de cours de récréation sur les serpents de l’école : «Il y avait la forêt tout autour de l’établissement ; évidemment on nous interdisait d’y aller… et on nous faisait peur avec les serpents qui étaient sensés roder dans les parages». Le jeune homme se remémore également les trajets en Star Ferry pour aller au cours de Judo, «avec la drôle de machine qui avalait les pièces». Plus de 25 ans après, certains lieux restent incontournables pour les enfants : «Comment pourrais-je oublier Ocean park! Et le restaurant flottant d’Aberdeen, le tournoi de rugby à sept…»
Plus précis sont les souvenirs du passage du navire-école de la Marine française, la Jeanne d’Arc. «Mon oncle était le second de ce navire (il s’agit aujourd’hui du vice-Amiral Teule). Nous avions eu le droit à une visite personnalisée, précise Mathieu Bringer, et nous avions mangé dans le mess des officiers. Vous imaginez l’effet sur un gosse de huit ans!». Autre événement resté en mémoire, un exceptionnel voyage en Chine. «Mes parents ont mis deux ans à obtenir le visa. Je me souviens très bien de marées de vélos et d’hommes en uniformes avec les casquettes!».
Le père de Mathieu s’est investi dans la vie de la communauté française. «Il faisait parti du comité exécutif de l’école au moment où le déménagement vers Jardines était en préparation.» La famille Bringer a quitté Hong Kong avant le changement effectif d’établissement, mais «mon père raconte qu’il y avait, par exemple, tout un débat autour de la climatisation. Paris refusait cet aménagement qui était considéré comme un luxe, rapporte Mathieu Bringer. Lorsqu’une délégation de l’agence parisienne est venue en visite pour évaluer le projet, le comité exécutif l’a accueillie dans une salle sans climatisation! C’était en pleine saison chaude, il faisait une moiteur incroyable… A la fin de la réunion, tout le monde était d’avis que l’investissement était nécessaire.»
Après quatre ans passés à Hong Kong, Mathieu suit sa famille en Belgique pour une installation plus durable. «J’ai fait mes études entre la France et la Belgique, raconte le jeune homme. J’ai suivi une formation d’ingénieur et je suis parti sur une thèse en astrophysique». L’Asie est restée ancrée dans l’esprit du garçon qu’il était. «J’ai fait mon possible pour repartir. Ce n’est pas un hasard si, ensuite, je suis devenu VSN à Hanoi!, explique Mathieu Bringer. Ce fut également une excellente expérience ; je m’occupais de coopération scientifique.» Et le voyageur d’enchaîner sur une année sabbatique avec un camarade, pour faire un demi-tour du monde, de Hanoi à Paris, sur de vieilles motos russes.
«Maintenant je suis conseiller en propriété industrielle, et dans quelques semaines, je pars à Shanghai pour occuper un nouveau poste.» Pour Mathieu, cette destination n’est pas anodine non plus. «Je crois que mon expérience hongkongaise a vraiment été importante, analyse celui qui était alors un petit enfant de 8 ans. C’était à un âge où l’on découvre plus attentivement notre environnement, où l’on est plus réceptif… et je suis marqué pour toujours par la découverte de Hong Kong! Même s’ils sont très diffus, j’ai des souvenirs et des impressions fantastiques.»

FD.

Sources : remerciements à M. Mathieu Bringer pour son précieux témoignage. Crédits photographiques : archives privées.