jeudi 26 février 2009

1932, le plaidoyer du consul pour un consulat général à Hong Kong !

La demande d’élévation du poste consulaire de Hong Kong de consulat à consulat général est récurrente à partir du début du siècle. En 1932, le consul expose un argumentaire détaillé, riche en informations sur l’état de la colonie et sur la présence française à l’époque.
La transformation d’un poste diplomatique de consulat à consulat général n’est jamais une décision prise à la légère, et il s’agit toujours d’une affaire suivie de près par les Etats concernés. Le pays qui décide d’ouvrir une telle représentation montre ainsi son intérêt pour la ville et sa volonté de développer les relations ; le pays d’accueil y voit une marque de reconnaissance… Il y a également un intérêt personnel et financier pour le consul affecté à une telle fonction. Les émoluments sont plus élevés dans un consulat général et du point de vue carrière, il est mieux pour un consul général d’obtenir un poste éponyme plutôt qu’un simple consulat.
Georges Dufaure de la Prade est dans ce cas, en 1932. Ce diplomate d’une cinquantaine d’années, ancien élève de l’Ecole des langues orientales vivantes, occupe des postes dans la région depuis 27 ans. Il a commencé à Séoul comme élève interprète, et gravit lentement mais sûrement les échelons de la carrière diplomatique : Canton, Hoi-How, Shanghai, Fou-Tchéou, Amoy, puis à nouveau Canton. Il est élevé au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1923 puis nommé consul général le 25 octobre 1930. A cette occasion, il est envoyé à Hong Kong, mais ce poste n’est qu’un consulat… et il ne touche donc pas tous les bénéfices de son nouveau grade administratif.
L’un de ses prédécesseurs, Gaston-Ernest Liebert (resté en poste 15 ans entre 1901 et 1916) avait multiplié les demandes de transformation du poste, en vain. Georges Dufaure de la Prade ne tarde pas lui aussi à se fendre d’une longue lettre, adressée «au ministre de France en Chine», l’équivalent de l’ambassadeur avant que les relations diplomatiques ne soient normalisées avec ce pays. Pour justifier l’importance de son poste, il dresse un précieux état des lieux de la colonie, de la communauté française et des intérêts de la France.
L’élévation du poste s’impose «tout d’abord en raison de l’importance de la colonie britannique à Hong Kong au point de vue économique et politique». Le consul général détaille longuement, avec force chiffres, les atouts de l’île. Base navale stratégique, carrefour commercial, centre politique, tout y passe pour donner à Hong Kong toute son importance. Le diplomate, qu’on sait féru de poésie, mêle souvent quelques envolées lyriques à sa prose consulaire ; il explique par exemple que Hong Kong est une terre d’asile et «constitue le hâvre par excellence, aussi accueillant aux navires qu’aux rescapés des tempêtes politiques qui sévissent sur le territoire voisin plus souvent que les typhons sur les mers de Chine ; faisant suite à un passé brillant et à avenir plus terne, plus terne uniquement parce qu’une éclipse de soleil obscurcit momentanément le firmament tout entier, déjà, s’entrouvrent, à l’horizon, lumineuses et infinies, les perspectives d’un avenir incomparable.»
Dufaure de la Prade est également un analyste pertinent. Sa vision du futur de Hong Kong est troublante d’actualité: «Aussitôt que la crise mondiale sera passée, et au fur et à mesure que la Chine se libérera des entraves […], et que les commerçants avisés chinois et étrangers, y fixeront, à l’abri des exactions et des désordres, le siège de leurs affaires, Hong Kong jouera un rôle décidément prépondérant en Extrême-Orient». D’ailleurs, il s’agit déjà à l’époque du 5e port de commerce au monde. Et le consul de renchérir à ce propos: «ses rivaux, New york, Hambourg, Anvers, Londres, et des ports moins importants comme Trieste ou Alexandrie sont tous dotés de consulats généraux français.»
Les intérêts de la France sont nombreux et méritent d’être mieux défendu selon le diplomate. Du point de vue démographique, il démontre qu’en faisant abstraction des Chinois et des Anglais qui sont chez eux, les Français sont la quatrième communauté derrière les Japonais, les Portugais et les Américains, «avec 227 personnes plus 78 Annamites.»
Pour ce qui concerne les affaires, «nous sommes les seuls, avec les Japonais, les Hollandais et les Américains à posséder des établissements de crédit». Et de citer la banque d’Indochine et la banque franco-chinoise pour l’industrie. «La Banque d’Indochine a su s’assurer une position de 1er ordre puisqu’elle est la 4e banque […] immédiatement après les trois banques anglaises de la place.» Deux lignes maritimes sont installées et les liaisons sont nombreuses avec l’Indochine, conférant à la France le 3e rang dans les mouvements commerciaux, et un 1/10 du chiffre global des transactions commerciales.
«Au point de vue moral, l’influence française s’exerce» à travers une longue liste d’institutions. «Un hôpital connu de la population uniquement sous la désignation de French hospital» vient en tête de l’énumération. Pensionnat, orphelinat, œuvres diverses des sœurs de Saint-Paul de Chartres, procure générale des Missions étrangères (avec son imprimerie et son sanatorium), collèges des Frères de la Doctrine Chrétienne… tout est ensuite passé en revue. Le consul se targue également «d’une bibliothèque de prêts de livres […] dans les bureaux du consulat avec près de 3000 volumes».
Dufaure de la Prade insiste sur un fait important. Le consulat de Hong Kong est une interface entre l’Indochine colonisée, la Chine est pleine ébullition et la base de la présence britannique dans la région. Les échantillons des produits de la colonie sont distribués à Hong Kong via le consulat, les Annamites révolutionnaires exilés sont surveillés, etc.
Pour enfoncer le clou, le consul part dans une série de remarques générales. «Toutes les grandes Nations, sauf l’Allemagne et la France, ont ici des consulats généraux» et il ajoute que les consuls généraux sont mieux considérés et traités par les autorités coloniales, «ils jouissent d’une plus grande faveur que les simples consuls». Et puis, «ici, passent en transit, de hauts fonctionnaires […], de hautes personnalités» que le consul aimerait recevoir avec une position digne de ce nom. Le problème financier est enfin abordé avec les réceptions et la tenue du rang «puisque, de toute vraisemblance, l’indemnité de fonctions se trouverait légèrement relevée.»
Malgré ces justifications, Dufaure de la Prade quitte son poste en 1934 sans avoir gain de cause pour la colonie britannique. Il est muté à Milan, et devient ministre plénipotentiaire avant d’être envoyé à Kaboul où il termine sa carrière. Avant la Seconde guerre mondiale, le poste n’a toujours pas changé de dénomination. Dans l’état actuel des recherches, il est supposé que le retour de la présence diplomatique française à Hong Kong, en 1946, est l’occasion du passage de consulat à consulat général.

FD.

Sources : archives du ministère des affaires étrangères de Nantes.

jeudi 19 février 2009

«Première vision de Chine» de Victor Segalen

De 1909 à 1913, Victor Segalen effectue le premier de ses trois séjours en Chine. Parti pour perfectionner sa connaissance de la langue chinoise, il saisit l’occasion dont il rêvait de s’établir dans le pays en acceptant en janvier 1911 un poste de professeur à l’Ecole de médecine de Tiensin. Il ne retournera en France qu’en juillet 1913.
Le 25 avril 1909, Victor Segalen s’embarque à Marseille pour la Chine à bord du «Sydney». Il laisse en France sa femme, Yvonne («Mavone») et leur fils Yvon, né en 1906, qui le rejoindront plus tard. Depuis 1908, Segalen s’est mis à l’étude du chinois et, reçu à son examen d’élève-interprête de la Marine, obtient une nomination en Chine pour se perfectionner dans l’étude de la langue chinoise. Tout au long de la traversée, il adresse à Mavone de nombreuses lettres mêlant impressions, descriptions et conseils pratiques pour son voyage prochain.Le «Sydney» accoste à Hong-Kong le 25 mai, de nuit sous des «torrents d’eau». Dès le lendemain, Segalen adresse à son épouse une longue lettre où il mentionne sa rencontre avec M. Jasson, directeur des postes françaises à Hankéou, qui l’assure de la régularité des postes dans le pays, et où il lui fait part de son émerveillement à ce premier contact avec la Chine:
«Hong-Kong est une chose splendide. Première vision de Chine, car ces monts hautains, aux lignes élégantes et nobles, drapés de brousse verte voilée parfois à mi-seins de collines de l’ombre de nuages, cela, c’est de la terre chinoise, malgré la possession anglaise. J’avoue cependant que ces possesseurs en ont tiré un splendide parti.
Arrivée absurde dans la nuit. Nuages, nuées et pluies sur la côte. Mon compagnon de table et d’escale, le jeune Espagnol de Manille, me pilote aimablement. Mais quel «pittoresque!» L’adjectif, banal, est le mieux placé du monde. Hauteurs, amphithéâtres de ruelles, de nations, boutiques, masses vertes mouillées, enseignes, couleurs, soleils et nues dans l’ingéniosité anglaise. Inévitable ascension funiculaire au Peak. Mais vue sur une mer de brume seulement.
Les sampans sont des maisons de famille flottantes. Tout en déménageant leur passager du paquebot à terre, ils se livrent aux occupations sociales les plus diverses, hormis celle qui consisterait à augmenter une famille déjà surabondante : le père, à l’avant, tire sur un aviron ; la femme godille et gouverne à l’arrière ; et, pendu sur son propre arrière, à elle, un dernier- né sommeille aux mouvements qu’elle fait pour pousser le bateau. Entre les deux, homme et femme, toute une nichée du diamètre d’Yvon, dont les uns dorment, les autres rament, ou amènent la voile, ou mangent ou… ou se battent. Ce sont de bien braves gens le jour et de jolis pirates la nuit. Ils ont fait, jusqu’à ces derniers temps disparaître plus d’un passager, ou plus d’un bateau sur lequel ils s’embarquaient comme passagers ; et ils ont donné quelques filaments à retordre aux Anglais. Maintenant encore, on ne s’embarque pas de nuit dans un de ces sampans sans qu’un policeman hindou en prenne le numéro : pour retrouver ensuite les coupables, en cas d’avarie du passager, ou même de noyade assez provoquée…
Départ à 4 h. Beauté de la passe de l’Est. Comme un beau fruit mûr dont on palpe amoureusement les contours, notre marche lente mais certaine entoure d’un sillage distant la globuleuse Chine dont je vais si goulûment presser le jus!»
Arrivé le 12 juin à Pékin, Segalen y attend jusqu’au début juillet Auguste Gilbert de Voisins, son compagnon d’expédition. Tous deux quittent la capitale le 9 août pour un grand voyage dans l’ouest de la Chine. Ils arrivent à Chengdu le 6 décembre et y sont accueillis par le consul général de France, Pierre Bons d’Anty. Après avoir descendu le Yangtsé, ils atteignent Shangaï le 28 janvier 1910. Début février, Segalen et Voisins s’embarquent pour le Japon et visitent Nagasaky, Kobé, Osaka, Kyoto et Tokyo. Le 27 février, de retour à Hong-Kong, Victor Segalen y retrouve Mavone et Yvon.

DVR.

Sources : Segalen (Victor), Lettres de Chine. Paris, Plon, 1967 ; Segalen (Victor), Œuvres complètes, Paris, Robert Laffont, 1995 ; Victor Segalen, Paris, Les Cahiers de l’Herne, 1998 ;
Dumasy (Jacques), La France et le Sichuan, un regard centenaire, Chengdu, Consulat général de France, 2007. Crédits photographiques : archives du ministère des Affaires étrangères, Paris; http://www.patrimoine.combrit-saintemarine.fr

lundi 16 février 2009

Les deux premiers vols à Hong Kong du Farman IV

Le Farman IV, biplan de bois et de toile, a eu un destin particulier à Hong Kong, ville où il a effectué deux premières. C’est à son bord que fut réalisé en 1911 le premier vol d’un avion sur le territoire et, en 1997, le biplan Farman IV fut premier appareil à utiliser le tout nouvel aéroport de Chek Lap Kok !
D’origine anglaise, Henry Farman (1874-1958) est né à Paris. Il opte pour la nationalité française en 1937 et fait franciser son prénom, pour devenir depuis, dans la littérature aéronautique, Henri Farman, pionnier français de l’aviation. En effet, outre le cyclisme et l’automobile, Henri Farman se passionne aussi pour l’aviation naissante. Titulaire du brevet de pilote n°5 de l’Aéro-club de France, il réussit le 13 janvier 1908 le premier kilomètre en circuit fermé à Issy-les-Moulineaux. Il effectue ensuite le 28 mars le premier vol de biplan avec passager et, le 30 octobre, assure le premier vol de ville à ville, pour un trajet de 27 km. Son expérience et son rôle de précurseur le conduisent aussi à construire, à l’aide de son frère Maurice, ses propres aéroplanes. Le Farman I est une adaptation d’un avion acquis en 1907 auprès d’un autre pionnier français de l’aviation, Gabriel Voisin. Le Farman II est aussi construit à partir d’un modèle Voisin, mais ses faibles performances conduisent vite à l’abandon du projet. Tout autre est le sort du Farman III, construit en 1909 et marquant une étape décisive dans l’histoire de l’aviation. Il s’agit en effet du premier avion doté d’ailerons, innovation qui confère à l’appareil une stabilité exceptionnelle. En août 1909, Henri Farman remporte aux commandes du Farman III le Grand prix de Reims de l’Aviation, en battant le record du monde de distance, sur 180 km, en 3 heures et 5 minutes. La société Farman vend une trentaine de Farman III à différents acheteurs français (dont l’Armée) et étrangers. Puis, sur la base de ce succès technique et commercial, Henri et Maurice Farman développent le Farman IV.
Le nouvel aéroplane de la compagnie Farman, intègre les améliorations apportées au Farman III, dont les ailerons et des roues pour améliorer les déplacements au sol. L’envergure est allongée d’un mètre. L’appareil affiche ainsi une longueur de 11,67m, une envergure de 16,50m, une surface portante de 51,5m2 et un poids de 290 kg à vide et 480 kg en pleine charge, ce qui lui permet d’emporter un passager. L’avion est propulsé par un moteur Gnome de 50ch qui lui permet une vitesse de 70km/h. L’appareil, comme son prédécesseur, rencontre également un franc succès auprès des amateurs d’aviation et des armées, qui commencent à voir l’intérêt de l’aviation. Parmi les acquéreurs du Farman IV se trouve un pilote qui, déjà propriétaire d’un Farman III, voit le potentiel de la nouvelle machine.
Ce pilote, Charles Van den Born (1873-1958), présente de nombreux points communs avec Henri Farman. Comme lui, il est d’origine étrangère, mais opte pour la nationalité française en 1936. Né à Liège en 1873 d’une mère française et d’un père belge, Charles Van den Born est aussi, comme Henri Farman attiré par les sports de vitesse et par le cyclisme. Il est d’ailleurs, de 1895 à 1909 un champion de cyclisme reconnu et remporte à plusieurs reprises le championnat de Belgique de vitesse. Van den Born partage également avec Henri Farman la même passion pour l’aviation. Il apprend à piloter à l’école Farman du camp militaire de Châlons et obtient le 8 mars 1910 le brevet de pilote n°37 de l’Aéro-club de France puis, le 31 mars, celui de l’Aéro-club de Belgique (n°6).
Charles Van den Born décide alors de se rendre en Asie pour y effectuer des démonstrations aériennes. Il retient pour ce projet le Farman IV, appareil éprouvé et doté d’excellentes qualités de vol. Mais Charles Van den Born y ajoute des modifications permettant son démontage et son remontage. Le Farman IV peut ainsi être démonté en sept parties, transportables en caisses par bateau ou par train. Charles Van den Born quitte Marseille le 22 octobre 1910, accompagné d’un mécanicien. Il emporte avec lui un lot de pièces de rechange dont un moteur de secours, trois hélices et des roues supplémentaires. Le pilote effectue des premiers vols aériens à Saigon, le 10 décembre 1910, puis à Bangkok le 31 janvier 1911, en présence du roi du Siam. L’étape suivante est Hong Kong, où Charles Van den Bron arrive le 27 février 1911. Malgré plusieurs démarches auprès du Gouverneur Frederick Lugard, relayées par celles de marchands britanniques locaux, Charles Van den Born ne réussit pas à obtenir l’autorisation d’utiliser le champ de courses de Happy Valley, sur l’île de Hong Kong. Son choix se porte alors sur un terrain situé près d’une plage à Shatin, dans les Nouveaux Territoires et l’autorisation nécessaire à ce premier vol lui est enfin accordée. La nouvelle est amplement diffusée dans les journaux de la colonie et, le 18 mars 1911, un train spécial sur la nouvelle ligne Kowloon-Canton amène les spectateurs sur le site. Mais, une arrivée tardive du train, liée à un retard à l’embarquement du Gouverneur, conjuguée à des conditions atmosphériques peu favorables, avec des vents forts, rendent impossible la démonstration aérienne à l’heure initialement prévue. Le Gouverneur et la plupart des spectateurs quittent Shatin quand le vent se met à faiblir. Charles Van den Born peut alors décoller et ce premier vol historique à Hong Kong n’a pour témoins que les quelques spectateurs patients et enthousiastes qui sont demeurés sur place ! Charles Van den Born reste un mois à Hong Kong et effectue d’autres démonstrations aériennes, dans les Nouveaux Territoires mais aussi sur l’île de Hong Kong, l’autorisation ayant enfin été donnée. Charles Van den Born a ouvert la voie de l’aventure aéronautique à Hong Kong.
86 ans plus tard, en 1997, année de la rétrocession de Hong Kong à la Chine et des derniers travaux préparant l’ouverture du nouvel aéroport de Hong Kong, Chek Lap Kok appelé à remplacer celui de Kai Tak, des passionnés d’aviation décident de commémorer ce premier vol historique à Hong Kong. Ces enthousiastes de la Hong Kong Historical Aircraft Association (HKHAA) confient à une entreprise spécialisée du Texas, Vintage Aviation Services, le soin de construire une réplique fidèle du Farman IV. Les recherches des plans originaux de l’avion prennent plusieurs mois et sont conduits auprès de grands musées, dont celui du Musée Royal de l’Armée et d’Histoire de Belgique, le musée de l’Air du Bourget, le Air and Space Museum de Washington et le musée de l’US Air Force à Dayton. L’avion est terminé en septembre 1997 et, comme son illustre ancêtre original, il est expédié à Hong Kong en caisses mais, cette fois-ci, le voyage s’effectue en Boeing 747 Cargo et non en bateau. Comme en 1911 aussi, l’arrivée du Farman IV à l’aéroport de Kai Tak, son remontage dans des locaux situés à Chek Lap Kok et les préparatifs de ce «second premier vol» font l’objet d’une grande couverture médiatique dans la presse de Hong Kong. Le vol ne peut se dérouler à Shatin car le champ où a lieu le premier vol à Hong Kong est maintenant entouré de hauts immeubles. Le 15 novembre 1997, le pilote de l’avion, Roger Freeman, habillé en pilote du début du XXe siècle, décolle donc de la piste de Chek Lap Kok pour un vol de 20 minutes puis y atterrit. L’événement est suivi par une foule nombreuse, dont les représentants officiels du nouveau gouvernement de Hong Kong. Le Farman IV devient ainsi le premier avion de l’histoire à utiliser la piste du nouvel aéroport de Honk Kong, plusieurs mois avant son ouverture au trafic aérien.
Les autorités de l’aéroport et les passionnés du HKHAA décident de conserver cette réplique du Farman IV et de l’offrir à l’admiration des voyageurs aériens du XXIe siècle. Le Farman IV est ainsi, depuis le 22 avril 1998, suspendu au plafond du Terminal I de l’aéroport de Hong Kong, frêle «cage à poules» de bois et de toile qui rappelle le chemin parcouru à Hong Kong par l’aventure de l’aviation.

CR.

Sources : revue «Pégase», juillet 1999 ; www.hydroretro.net; archives du South China Morning Post. Crédits photographiques: Jean Devaux, CR. http://www.geocities.com/CapeCanaveral/Cockpit/9695/HongKongfirstflight.htm

jeudi 12 février 2009

La Chambre de Commerce ouvre ses portes en 1986!

Pour répondre aux besoins d’une florissante communauté d’entrepreneurs au milieu des années 1980, une poignée d’entre eux se réunit pour créer la première chambre de commerce française à Hong Kong. Plus de 20 ans après, le succès n’est pas démenti et les souvenirs sont nombreux. Retour sur le parcours de la «French business association».
Au milieu des années 1980, la communauté française à Hong Kong est en pleine augmentation. Les entreprises s’intéressent à la colonie britannique, mais parfois avec timidité puisqu’on sait (à partir de 1984) que la Chine y reprendra ses droits en 1997. Danger ou opportunité? Pour répondre à ces questions et entraîner une dynamique française dans les affaires, six ou sept entrepreneurs décident de créer une chambre de commerce et d’industrie. «Le consulat de France poussait en ce sens depuis un moment, explique Gérard Millet, l’un des membres fondateurs. Il y avait un réel besoin de la part des entreprises.»
Le premier président est Alain d’Argenlieu. «Les moyens étaient très limités au début, se souvient Gérard Millet, aujourd’hui directeur de Sodica, société de conseil en fusions- acquisitions du Groupe Crédit Agricole. Nous avions très peu de fonds.» Et pas de bureaux permanents ! L’association est alors itinérante, hébergée par diverses entreprises françaises. «Les premiers membres du bureau venaient souvent du secteur bancaire, note l’homme d’affaire. S’occuper d’une telle association était lourd et nécessitait du secrétariat.»
Gérard Millet est le troisième président de 1989 à 1991 ; une époque où l’association prend beaucoup d’ampleur, preuve de son succès. «Une réorganisation s’imposait, affirme-t-il. En 1990, nous nous sommes installés dans nos premiers bureaux, et le premier poste de directeur salarié a été créé». Vient ensuite la présidence de Paul Clerc-Renaud, directeur du groupe Fargo, de 1991 à 1993. C’est une période charnière: «C’était juste après Tien An Men qui avait beaucoup secoué Hong Kong, se souvient l’intéressé. Il fallait rassurer les employés français pour les inciter à venir ici.» C’est à cette époque que sont négociés les visas permanents pour les employés clés des grandes entreprises françaises. «C’était aussi le moment des frégates de Taiwan et les relations étaient officiellement difficiles avec la Chine, souligne l’ancien président. Mais Deng Xiao Ping menait une politique d’ouverture dans le Sud.»
En 1992, les craintes sont toujours aussi récurrentes au sujet du retour prochain de la domination chinoise. C’est l’objet du premier article du premier numéro de la revue «Hong Kong echo», le magazine de la chambre de commerce: «Hong Kong : qui a peur de 1997 ?» est signé de Yves Chemla. L’entrepreneur se veut optimiste voire enthousiaste sur les opportunités à venir. C’est le mot d’ordre général de la chambre de commerce au cours de ces années. Toujours en 1992, avec cette même volonté de séduire les hommes d’affaires français, Paul Clerc-Renaud initie l’opération «Le monde chinois». 300 chefs d’entreprises répondent à l’appel et partent en visite de la zone économique spéciale de Shenzhen. «C’était une véritable aventure dans le delta de la rivière des perles, révèle Paul Clerc-Renaud. C’était un immense chantier où tout était en construction. Henry Fok avait fait ouvrir l’autoroute en construction seulement pour nous!»
En juillet 1992, un nouveau gouverneur, Christopher Patten (désormais Lord Patten), est nommé à Hong Kong. «En octobre, il a fait un discours très mal perçu par Pékin où il exposait ses conditions pour la rétrocession prochaine, reprend l’ancien président Clerc-Renaud. Nous l’avons rencontré le jour où il se rendait à Pékin… Il boitait à cause d’une blessure faite au tennis le matin même!». Les relations ont toujours été étroites avec les autorités, l’association se présentant également comme une interface de communication et de médiation. La chambre de commerce avait également reçu le prédécesseur de Chris Patten, le gouverneur David Wilson. «C’était un excellent sinologue, affirme Paul Clerc Renaud. Un homme très fin qui anticipait les réactions des Chinois, mais très mal jugé par John Major».
La French business association, c’est aussi un réseau, le théâtre de nombreuses rencontres avec des personnalités : Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre, Dominique Strauss-Kahn, Michel Rocard, pour la politique, mais aussi Matthieu Ricard, Jacques Séguéla, Loïck Peyron, Pierre Haski et bien d’autres encore pour ne citer que des Français. Le livre d’or regorge de signatures d’invités de marque! La chambre de commerce s’est aussi lancée dans l’organisation du prestigieux gala de clôture du French May.
Avec ses 600 membres et ses treize employés permanents, la chambre de commerce française est aujourd’hui plus que jamais dynamique. C’est la deuxième chambre européenne, juste derrière les Britanniques. «C’est toujours un club de rencontres pour les entrepreneurs, mais totalement adapté à Hong Kong, explique Maryse Kraatz, l’actuelle directrice générale. Nous dépassons la dimension de solidarité entre Français pour aller plus loin. Ici les chambres de commerce sont puissantes et nous devons nous ouvrir aux étrangers et, bien évidemment, aux Hongkongais!». Presque toutes les grosses entreprises françaises sont membres, l’expansion passe donc désormais par les hommes d’affaire de Hong Kong ou par les PME françaises qui souhaiteraient s’internationaliser… «C’est une ville importante pour commencer à entreprendre à l’étranger, commente la directrice générale. C’est la base régionale de la majorité de nos entreprises».
La chambre de commerce ne touche aucune subvention de l’Etat français, c’est une entreprise privée qui vit des cotisations de ses membres. «Nous répondons aux besoins des membres à travers l’organisation d’événements, de conférences, explique Maryse Kraatz. Nous avons également treize comités pour traiter les problèmes en cours ou les attentes de nos membres. L’activité de lobbying est très importante, voire essentielle.» En 2006, dans son éditorial pour le numéro anniversaire de la revue «Hong Kong echo», Jacques Chirac félicitait «la Chambre de Commerce et d’Industrie Française de Hong Kong pour son travail inlassable en faveur de l’approfondissement des liens entre la France et Hong Kong». Et le président français de conclure: «je forme le vœu qu’elle poursuive cette entreprise pour le plus grand bénéfice de tous».
FD.

Sources : Hong Kong echo ; French business directory ; remerciements à Mme Maryse Kraatz, M. Paul Clerc-Renaud et M. Gérard Millet, pour le temps qu’ils nous ont consacré et leurs précieux renseignements. Crédits photographiques : archives privées.
Les deux photographies: Paul Clerc-Renaud en compagnie du gouverneur Wilson (au centre) puis avec le gouverneur Patten. Troisième document: couverture du premier numéro de la revue Hong Kong Echo, à l'automne 1992.