jeudi 8 janvier 2009

La promotion de la langue française en 1928.

Défendre et promouvoir la langue française en territoire anglophone n’a jamais été tâche facile, sous toutes les latitudes. En 1928, le consul de France à Hong Kong oeuvrait déjà en ce sens.
En 2008, les échanges universitaires, la coopération universitaire, les bourses scolaires, les programmes «Erasmus», les «Plans pour la défense du Français» et les actions relevant de la Francophonie, participent à la promotion de la langue française. Il y a 80 ans, la tâche s’avérait plus ardue et la panoplie de moyens plus réduite, mais non sans résultats, comme le rapporte alors le consul de France. Dans une dépêche du 4 décembre 1928, Georges Dufaure de la Prade répond à une enquête que le ministère des Affaires étrangères vient de lancer (déjà à cette époque!) sur la situation de la langue française dans les pays et territoires où sont implantés les ambassades et consulats de France. Le consul fait le point sur les établissements français mais aussi sur les «écoles et universités étrangères locales». Sa lettre fournit ainsi de précieuses indications sur l’offre éducative à Hong Kong en 1928, tant dans les écoles primaires et secondaires, françaises et étrangères, qu’à l’université.
Les «deux établissements fondés par nos compatriotes, le St Joseph’s College pour les garçons et le French Convent, pour les filles […] donnent à la langue française la place maxima que leur permettent les programmes officiels». Ainsi, Au St Joseph’s College, école fondée par les Missions Etrangères de Paris, «avec une population de 850 élèves, chinois, portugais de sang mêlé dits Macaïstes, et une quarantaine d’Européens, […] la langue française est obligatoire à partir de la 4e pour tous les élèves qui ne suivent pas les cours de chinois ou de portugais. Les heures de français sont données aux mêmes heures que les cours de chinois et de portugais». Au French Convent, école de «265 élèves dont 175 chinoises et 90 étrangères», fondée par les sœurs de Saint Paul de Chartres, la situation est similaire. La place du français est donc satisfaisante dans les deux «établissements français» de Hong Kong qui, c’est notable, accueillent une très faible proportion d’élèves européens (moins de 5% pour St Joseph’s).
Dans les écoles relevant des «initiatives étrangères locales», le consul note que «les programmes officiels ne font aucune place particulière au français dans les écoles primaires […] à l’exception de l’Ecole primaire dite «Peak School» où le français est obligatoire (où) dans les classes de 9e, 8e, 7e, l’enseignement comporte une heure et demie de français par semaine. En 6e l’enseignement du français est porté à 2 heures et demie par semaine». Pour la sixième, plus haute classe de ces établissements «étrangers», Dufaure de la Prade souligne que les «enfants ont alors de 10 à 11ans ; ils quittent alors Hong Kong après leur année de sixième et continuent leurs études en Angleterre ; ceux qui restent à Hong Kong peuvent achever leurs études à la «Central British School».».
Dans les «écoles secondaires filles et garçons (étrangères), le français est facultatif». Une exception existe cependant à la «Central British School», qui relève du Gouvernement de Hong Kong et où le français est obligatoire. A l’université de Hong Kong enfin, «le français est facultatif».
Après ce panorama du système éducatif à Hong Kong, le consul évalue la situation de l’enseignement de la langue française dans la colonie: «la place qu’occupe le français n’est pas très importante; avec les programmes chargés comme ils le sont, avec la clientèle presque uniquement chinoise des écoles de Hong Kong et le peu d’utilité pratique que présente nécessairement pour ces Chinois la connaissance de la langue française, l’on ne peut qu’espérer que cette place puisse s’accroître sensiblement; néanmoins la place du français est appréciée, et l’on peut affirmer qu’il y a plutôt tendance à accroissement qu’à stagnation». Constat quelque peu désabusé avec cependant une pointe d’optimisme…
Cet optimisme se retrouve dans l’étude que fait le consul sur les examens que doivent passer élèves et étudiants de Hong Kong. Il note ainsi que le «matriculation examination, qui correspond à notre baccalauréat, comporte à titre de matière à option un examen de langue moderne – autre que l’anglais, lequel est obligatoire». Le français et le portugais peuvent être choisies comme langue étrangère, sans en aviser l’université alors que le choix d’une autre langue impose d’avertir l’université six mois à l’avance et «cette condition indique déjà une primauté de la langue française. Cette primauté est encore soulignée par le fait que pour la seule langue française, il est prévu un examen oral obligatoire pour les candidats désirant obtenir une mention Distinction», viatique précieux pour l’université.
Après ce bilan mitigé sur la place du français à Hong Kong, le consul examine la situation des professeurs qui enseignent le français dans les «établissements étrangers» c’est-à-dire non gérés par les ordres religieux français. Et il juge la situation préoccupante à plus d’un titre. Il déplore ainsi que «les professeurs de français dans les trois ordres (primaire, secondaire et université) ne sont pas de nationalité française; il n’y a ni belges ni suisses; une institutrice, née en France, professe dans une école du Gouvernement, elle est diplômée de la Faculté d’Aix (baccalauréat lettres, complet, philosophie)». En outre, les professeurs de français «ne sont pas tenus de faire des stages en France, en Belgique ou en Suisse; en général, les cours sont confiés de préférence aux professeurs ayant fait de pareil stages, dont la durée n’est pas limitée». La Francophonie, bien avant d’être institutionnalisée, est déjà présente dans l’analyse que fait le consul quand il mentionne des professeurs de français belges ou suisses, avec l’exception notable de ceux du Canada… Dufaure de la Prade cite aussi une lettre du Vice-Chancelier de l’Université de Hong Kong qui, lui aussi, regrette ce manque de professeurs de français, qui l’oblige à enseigner alors que «(he) has no qualification in the teaching of French other than a love of everything French and an enthusiasm for the language and literature of France».
Les préoccupations du consul de France en 1928 s’avèrent donc très proches de celles de ses successeurs et de celles des attachés culturels qui se sont succédé depuis cette époque. Le français, après l’anglais et le chinois, et loin derrière ces langues, occupe en 1928 la première place parmi les langues enseignées à Hong Kong. Et déjà se posent les problèmes du nombre d’enseignants et de leur formation. Il y a 80 ans, la défense et la promotion du français à Hong Kong, œuvre de longue haleine, demandait donc déjà moyens, persévérance et motivation….

CR.

Sources : archives du ministère des Affaires étrangères, Nantes.

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